Comment faire du Cycle Menstruel un allié de la performance ?
Malgré des avancées notables en matière de sport féminin, de nombreux aspects biologiques, comme le cycle menstruel, restent souvent sous-estimés dans l’élaboration des programmes d’entraînement. Pourtant, mieux comprendre son cycle menstruel et ses effets sur le corps peut devenir une force pour les sportives, en optimisant les entraînements, la récupération et les performances. Juliana Antero, chercheuse à l'INSEP, nous explique les effets du cycle hormonal sur les athlètes.
Qu’est-ce que le cycle menstruel et comment l’expliquer ?
Le cycle menstruel, qui dure en moyenne 28 jours, est un processus complexe gouverné par les fluctuations hormonales. Il se divise en quatre phases clés :
Phase menstruelle : le début du cycle, marqué par la chute des hormones (œstrogènes et progestérone), provoque les règles.
Phase pré-ovulatoire : une montée progressive des œstrogènes prépare le corps à l’ovulation.
Phase ovulatoire : période clé où l’ovule est libéré, témoin d’un cycle sain et équilibré. C’est cette phase qui est réellement primordiale pour constater l’état de santé d’une athlète. Si elle n’a pas lieu normalement, ce peut être signe d’un manque d’œstrogènes, de progestérone, ou encore de testostérone.
Phase post-ovulatoire et prémenstruelle : augmentation puis diminution de la progestérone, souvent associée à des symptômes tels que le syndrome prémenstruel.
Ces fluctuations influencent les réponses du corps à l’effort physique, notamment en termes d’énergie, de récupération et de performance.
Il est important de noter que chaque femme est différente et que la durée des cycles peut être variable. De plus, une femme qui utilise une pilule contraceptive n’ovule pas dans la grande majorité des cas. Ainsi, il n’est pas possible de se baser sur les mêmes données.
Les enjeux du cycle menstruel pour la performance des sportives
L’immense majorité des sportives doit souvent composer avec au moins un symptôme associé aux phases menstruelle et pré-menstruelle. Ballonnements, douleurs, maux de tête, fatigue, irritabilité… Ces derniers sont largement banalisés voire minimisés. Pourtant, contrairement aux idées reçues, la douleur n’est pas normale. Si on accepte de ressentir un inconfort, une légère douleur liés aux règles, il n’est pas acceptable de ressentir intensément l’un des symptômes précités. Leur présence est synonyme d’un déséquilibre sur lequel il faudra se pencher.
Quoi qu’il en soit, le programme d’entrainement doit pouvoir s’adapter à ces désagréments en attendant qu’ils puissent être résolus. Malheureusement, il existe peu d’études et donc peu de plans d’entrainement qui tiennent compte de ces spécificités féminines. On peut toutefois noter que des programmes de recherche récents, comme ceux menés sur les sportives en préparation olympique depuis les Jeux de Tokyo, visent à mieux comprendre l’impact du cycle menstruel et de la contraception hormonale. En analysant les données sur les cycles, l’entraînement et le bien-être des athlètes, ces études ouvrent la voie à une approche plus personnalisée et adaptée aux femmes.
Elles sont particulièrement intéressantes car elles ne se limitent pas à adapter un programme aux phases menstruelles et pré-menstruelles pour « épargner » les athlètes. Elles cherchent à mieux comprendre le cycle menstruel dans son intégralité afin de tenter d’en faire un véritable allié de la performance grâce à des plans optimisés.
Quels sont les risques d’une perturbation du cycle menstruel et comment s’en prémunir ?
Les risques liés à un cycle perturbé :
Un cycle irrégulier ou l’absence d’ovulation (aménorrhée) peut indiquer un déséquilibre hormonal, souvent causé par un déficit énergétique et a fortiori un manque d’oestrogènes. Cela peut avoir de graves conséquences :
Mauvaise récupération
Blessures fréquentes, comme les fractures de fatigue et difficulté à guérir
Risque pour la santé osseuse à long terme.
Comment prévenir ces déséquilibres ?
Adoptez une alimentation équilibrée : Les graisses saines (poissons gras, noix, avocats) et le fer (légumineuses, viande rouge, légumes verts) sont essentiels. Le fer, en particulier, doit être consommé avec de la vitamine C pour optimiser son absorption. Les femmes sont particulièrement sujettes aux carences en fer. Ainsi, il est important de veiller à avoir des apports suffisants et de consulter un professionnel de santé au moindre doute. En effet, la carence, une fois installée, est particulièrement difficile à résorber.
Évitez les déficits énergétiques : Écoutez votre corps et ajustez vos apports nutritionnels en fonction de votre charge d’entraînement.
Prenez soin de votre cycle : Si vous constatez des irrégularités, des cycles trop longs ou des saignements anormaux, consultez un professionnel. Une évaluation hormonale peut s’avérer nécessaire.
Évaluer son cycle : la clé pour optimiser ses performances
Chaque femme est unique, et connaître son cycle est le premier pas pour en tirer parti. Une évaluation quotidienne de votre ressenti, que ce soit le matin ou après l’entraînement, permet d’identifier votre « fenêtre optimale », période durant laquelle votre production d’hormones est particulièrement optimisée.
Avec l’expérience, vous pourrez apprendre à reconnaitre les différentes phases de votre cycle. Cette connaissance de soi peut se révéler précieuse dans le cadre de l’entrainement.
Adapter ses entraînements aux phases du cycle menstruel
L’entrainement doit nécessairement s’articuler autour d’un socle réfléchi. Ce dernier doit rester identique durant la préparation et se compose des entrainements classiques en fonction de l’objectif. Cependant, les athlètes féminines ont tout intérêt à bien connaitre leur cycle pour adapter l'entrainement en fonction de ce dernier.
Fenêtre optimale : il sera intéressant de placer les séances intenses : VMA, séances de côtes etc… Car votre corps répondra présent et les gains musculaires seront optimisés.
Durant les autres phases du cycle, particulièrement la phase menstruelle et la phase pré-menstruelle, il peut être plus pertinent d’opter pour des séances qui ont pour objectif de développer l’endurance : sorties longues etc…
Enfin, l’entrainement quotidien via les footings peut être maintenu tous les jours en raison de sa basse intensité.
Performance : vers une approche personnalisée pour chaque sportive
En transformant la compréhension du cycle menstruel en un outil stratégique, les sportives peuvent améliorer leur bien-être et leur performance. Les avancées dans ce domaine soulignent l’importance d’une approche individualisée, basée sur des données concrètes, des ajustements nutritionnels et une écoute attentive du corps.
Le cycle menstruel n’est pas un frein. En apprenant à l’apprivoiser, chaque femme peut en faire un véritable allié de sa performance sportive.