Harcèlement de Rue : Combattre ce fléau qui détruit le plaisir de courir / Hors-Série #RunToProgress
En hiver, lorsque la nuit tombe rapidement, courir devient un défi supplémentaire pour de nombreuses sportives, souvent confrontées au harcèlement de rue. L’obscurité accentue leur sentiment d’insécurité dans l’espace public, alors même que les coureuses sont de plus en plus nombreuses à désirer arpenter les rues à toute heure. Alors, quelles sont les causes de ce harcèlement ? Existe-t-il des solutions pour lutter contre et permettre un accès plus sécuritaire des sportives à l’espace public ? Comment favoriser une prise de conscience collective ?
Sport et femmes : une relation à couteaux tirés
L'accès au sport pour les femmes est un sujet complexe où se croisent des enjeux de sécurité, de liberté et de socialisation. Les femmes sont ainsi 25 % de moins que les hommes à pratiquer une activité sportive. Un chiffre inquiétant au regard des enjeux autour de la sédentarité auxquels notre société fait actuellement face.
Cette inégalité est en partie due au harcèlement de rue, qui limite leur liberté et les pousse à renoncer à la pratique sportive. 20 % des femmes qui abandonnent le sport l’ont fait parce qu'elles ont été victimes de harcèlement de rue, un chiffre révélateur des obstacles que les femmes rencontrent dans un espace public qui devrait pourtant être ouvert à tous.
En effet, les femmes sont souvent sexualisées dans l'espace public, et les vêtements de sport accentuent cette hyper-visualisation de leurs corps dans l’imaginaire collectif. Beaucoup associent une tenue de sport estivale à une volonté induite d’exhiber son corps. Une pression que les hommes subissent beaucoup moins.
Les normes sociales qui dictent la manière dont les femmes investissent l'espace public jouent également un rôle majeur dans ces disparités. La socialisation des jeunes filles ne les encourage ni à s’approprier l’espace public ni à intégrer la pratique sportive comme une routine.
Harcèlement de rue : une barrière à la pratique sportive des femmes
Le harcèlement de rue agit comme une barrière physique et psychologique qui empêche les femmes de pratiquer le sport librement. Ce phénomène est particulièrement significatif durant l’adolescence, un âge où les jeunes filles subissent une pression sociale plus intense qui conduit à la diminution des activités sportives. Mais même à l’âge adulte, la pression reste très présente et la charge mentale des femmes souhaitant pratiquer une activité physique à l’extérieur, comme la course à pied, est parfois rédhibitoire.
Ains, l’association Sine Qua None, qui œuvre pour une réappropriation de l’espace public par les sportives, a mené une étude simple sur les questions que se posent les coureurs avant une sortie. Les résultats parlent d’eux-mêmes.
Du côté des femmes, les premières interrogations sont les suivantes : « Comment dois-je m’habiller pour ne pas attirer l’attention ? », « Quel parcours pour rester dans des lieux publics non isolés ? », « Quelqu’un est-il prévenu que je pars courir ? », « Ai-je bien activé mon tracking ? ».
Chez les hommes, les problématiques immédiates sont bien différentes : « Ai-je bien chargé ma montre ? », « Quel temps fait-il ? ».
Nul besoin de s’étaler davantage sur la nette fracture entre les préoccupations des différents sexes.
Harcèlement de rue : combattre ce fléau grâce aux initiatives individuelles et collectives
Face à ces blocages, des initiatives se développent pour rendre l'espace public plus accessible aux femmes et leur redonner confiance dans leur pratique sportive.
L'association Sine Qua None se distingue par son approche communautaire et solidaire. Elle a notamment questionné les préjugés et les peurs que les femmes ressentent avant de sortir courir. Pour contrer ces peurs, elle organise des squads de course nocturne, des sessions où les femmes courent en groupe pour se réapproprier des espaces publics jugés dangereux ou intimidants. Cette initiative permet aux participantes de redécouvrir ces lieux en groupe, dans un cadre sécurisé et encourageant.
La réappropriation de l’espace public par les femmes a aussi un impact sur la société, en créant un cercle vertueux : en voyant des femmes courir librement dans les rues, d'autres femmes se sentent encouragées à faire de même.
L’enjeu est politique, mais aussi de santé publique. En effet, la sécurité est une préoccupation citoyenne majeure qui doit être entendue. Les femmes sont parmi les plus vulnérables quant à cette problématique et sont particulièrement impactées en cas de manquement des institutions publiques pour garantir leur sécurité. Représentant une part importante de la population, elles doivent être entendues et recevoir des réponses appropriées à leurs revendications principales : la liberté et la sécurité.
Concernant la santé, la sédentarité est en passe de devenir la première cause de mortalité en France. Œuvrer pour permettre une réappropriation des espaces publics par les femmes, notamment dans le cadre de leurs pratiques sportives, c’est lutter contre ce fléau invisible.
Ainsi, que ce soit à travers des initiatives individuelles ou collectives, il est primordial de prendre conscience des véritables enjeux qui se cachent derrière la problématique du harcèlement de rue des coureuses. Ce n’est que grâce à une remise en question collective que les femmes pourront enfin espérer courir en toute liberté.
Pour tous, le marathon est une aventure, un défi qui nous pousse vers l’objectif final : la ligne d’arrivée. Pour Arnaud Tsamère, c’est un véritable chemin, celui de la reconstruction. Il nous raconte comment le sport et la course à pied l’on sauvé.