Les réseaux sociaux : amis ou ennemis du coureur ?
Qu’il est loin le temps où les plus de 30ans clamaient qu’ils ne comprenaient rien à “Fesse de bouc” ! Aujourd’hui, les réseaux sociaux font partie intégrante de notre vie et a fortiori de notre pratique sportive. Mais qu’est-ce qu’ils nous apportent vraiment ? Sont-ils des amis de nos performances ou au contraire des ennemis du coureur à pied ?
Les réseaux sociaux : la force de la communauté
L’être humain est un animal social. Il a besoin du groupe pour s’épanouir pleinement et se développer. Mais là où le groupe se formait initialement selon la géographie, le milieu professionnel ou encore les loisirs, il transcende aujourd’hui les limites et devient virtuel.
On “intègre” un groupe Facebook. On “fait partie” de la communauté X ou Y sur Strava. On “rejoint” un canal de discussion sur Instagram. L’utilisation de ces termes n’a rien d’anodin. Elle démontre l’importance du sentiment d’appartenance. L’individu a l’impression de rentrer dans un cercle de personnes qui lui ressemblent et partagent ses valeurs.
Bien sûr, on retrouve des communautés de coureurs, comme pour tous les sports et plus largement tous les centres d’intérêt. Dans ces groupes, on peut voir des novices demander des conseils, des inconnus partager leurs derniers entrainements et recevoir des encouragements…
Certains utilisent ces groupes pour se mettre en avant et renforcer une confiance en eux déjà très ancrée. D’autres vont rechercher la validation du groupe pour gagner en assurance. Dans tous les cas, ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose. Tant que le partage reste sain et garde comme fil directeur les valeurs d’encouragement et de positivité.
En effet, ces valeurs, si elles sont érigées en valeurs cardinales du groupe, vont permettre aux coureurs de se motiver entre eux, voire d’oser se lancer dans certains défis car ils se sentiront conseillés, épaulés. Il faut bien avoir en tête que si certains vivent au sein de familles de sportifs, d’autres sont les seuls coureurs dans leur entourage. Avoir accès à une communauté de passionnés de course par l’intermédiaire des réseaux sociaux est un véritable levier de motivation. Il serait dommage de ne pas l’exploiter.
On peut aussi penser aux challenges, que l’on retrouve par exemple sur Strava. Ici, les coureurs vont se challenger et tenter de réussir des défis. Ce peut être un certain nombre de kilomètres, de sorties, de dénivelé etc… La liste est presque infinie. Alors certes, ces challenges vont engendrer une certaine notion de compétition mais est-ce vraiment un mal ? Certains coureurs vont entrer en “compétition” avec eux-mêmes, d’autres vont se mesurer aux autres participants. On retrouve finalement la même logique sur la ligne de départ d’une course. Tant que la bienveillance est de mise, la compétition n’est pas un mal en soi.
Réseaux sociaux : les dérives de la comparaison
De récentes études, notamment l’étude américaine “Social Media and Mental Health” ont mis en avant une évidente corrélation entre l’utilisation des réseaux sociaux et la dégradation de la santé mentale des individus. Cela concerne particulièrement les adolescents et jeunes adultes, mais ils sont loin d’être les seuls.
La quête du like ne s’arrête pas à la sortie des études ! De même, les adolescents ne sont pas les seuls à tomber dans le piège de la comparaison.
En effet, les réseaux sociaux et applications donnent accès à un grand nombre de données chiffrées. Pour la course, on va penser à Strava, mais aussi à Garmin Connect par exemple. Pour peu que l’on ne maîtrise pas les réglages de confidentialité, on laisse apparaitre aux yeux du monde sa vitesse, son kilométrage, son parcours détaillé et même sa fréquence cardiaque. Cela va inexorablement créer de la comparaison entre les coureurs.
Le problème qui se posera alors, c’est le caractère malsain et irrationnel de cette comparaison. Nous en avons parlé dans un épisode de Body & Mind sur l’anxiété de performance : on ne peut pas comparer l’instant de vie A d’un individu à l’instant de vie H d’un autre. Nos parcours sont tous différents et notre rapport à la performance fluctue nécessairement. Certains coureurs, sûrement du fait de failles personnelles qui génèrent un manque de confiance, tomberont malgré cela dans la comparaison, presque inconsciemment.
Prenons un exemple concret. Je prépare un marathon qui a lieu dans 12 semaines. Mon voisin, fervent utilisateur de Strava, prendra le départ d’un autre marathon prévu dans 2 semaines. J’ai alors la brillante idée de consulter son profil Strava et là, c’est le drame. Nous avons le même objectif de chrono mais il a réussi des séances dont la difficulté me fait frémir. Je n’y arriverai jamais. Il est meilleur que moi.
En fait, non. Mon voisin est simplement à un moment de sa préparation qui suppose qu’il est affuté et prêt pour sa course, là où moi je démarre à peine mon programme. Mais si je suis incapable de prendre ce recul, je vais me sentir découragé, dévalorisé. Je peux même être tenté de jeter l’éponge. Voilà l’un des effets délétères de la comparaison induite par les réseaux sociaux.
Il existe aussi par ailleurs un risque non négligeable d’être confronté à des individus mal intentionnés, nous avons consacré une enquête complète à ce sujet.
Le coureur et la quête de performance virtuelle
Indépendamment du phénomène de comparaison, les coureurs hyper-connectés peuvent avoir tendance à se soucier du regard que l’autre portera sur sa sortie et particulièrement sa vitesse.
Rappelons qu’un entrainement optimisé comprend environ 80% d’endurance fondamentale. Malheureusement, beaucoup de coureurs sont tentés d’accélerer car il est trop difficile pour eux de faire apparaitre sur les réseaux une allure trop lente. Parallèlement, on voit facilement des commentaires gratifiants sur des sorties avec des moyennes rapides, sans que le commentateur ne sache en quoi consistait la séance ni quelles devaient être les allures cibles.
Ce cercle vicieux peut venir freiner la progression voire même mener droit vers la blessure. Il fait de plus peser une pression supplémentaire sur les épaules du coureur, qui va être préoccupé, parfois obsédé par son allure moyenne au lieu d’être à l’écoute de ses sensations et focus sur le but de sa séance.
Vous ne savez pas si vous êtes concernés par cet écueil ? Quelques pistes peuvent vous aider à prendre du recul sur votre utilisation des réseaux sociaux.
Pensez-vous pendant votre entrainement à ce que vous allez poster ?
Vous surprenez-vous parfois à accélérer car vous pensez à votre publication post-course ?
Avez-vous parfois envie de cacher votre sortie car vous l’estimez trop lente ?
Que faites-vous directement en rentrant de courir ?
Vous sentez-vous obligés de vous justifier dans les descriptifs de votre entrainement s’il ne vous parait pas satisfaisant ?
Les réponses à ces questions peuvent vous aiguiller et vous aider à prendre du recul vis-à-vis des plateformes et à vous recentrer sur votre pratique de la course et sur votre entrainement.
Nos conseils pour une utilisation saine des réseaux sociaux
Sans être nos meilleurs amis, les réseaux sociaux ne doivent pas devenir nos pires ennemis. Il est possible de mettre en place une utilisation raisonnée et vertueuse de ces derniers.
Pour ce faire :
Vérifiez ce que vous postez et les critères de visibilité et de confidentialité de vos profils. Si vous voulez cacher certaines données, faites-le. Si vous souhaitez tout afficher, vous pouvez aussi mais il faut que ce soit en pleine conscience et non par ignorance.
Demandez-vous toujours pourquoi vous postez. Soyez honnêtes envers vous-mêmes. Vous avez le droit de poster pour vous mettre en avant, par fierté etc… Mais il est toujours intéressant de le conscientiser.
Si vous sentez que vous tombez trop facilement dans la comparaison avec les autres coureurs, éloignez-vous des réseaux au moins pour un temps et recentrez-vous sur votre pratique. Pourquoi courez-vous ? Qu’est-ce que cela vous apporte à vous ?
N’hésitez pas à en parler à vos proches voire à un professionnel afin d’avoir des avis extérieurs sur votre rapport aux réseaux dans le cadre de votre pratique.
Il y a un an et demi, Yanis, passionné de rugby, voyait sa vie bouleversée lors d’un match. Une lourde chute sur son genou lui a causé une luxation grave, déchirant tous ses ligaments. Les séquelles sont lourdes : un pied droit paralyséet une cheville rendue instable. Mais là où beaucoup auraient vu un arrêt brutal, Yanis a perçu une opportunité de résilience.