Strava, Ces coureurs qui manipulent leurs données : un athlète raconte

De nos jours, la triche ne se limite plus aux compétitions. À l’ère du numérique, elle s’invite aussi sur Strava, où certains manipulent leurs données pour gonfler leurs performances. Entre ego, quête de reconnaissance et stratégie psychologique, cette face sombre soulève de nombreuses questions.

Dans cet article, nous explorons ce phénomène troublant à travers l’expérience d’un coureur qui a accepté de témoigner sous anonymat.

Quand la triche s’invite sur Strava : entre ego et stratégie

Strava est souvent perçu comme un outil de motivation et de partage dans le monde du sport d’endurance. Pourtant, derrière cette façade, certains utilisateurs n’hésitent pas à tricher, en modifiant leurs données pour embellir leurs performances. À l’image de pratiques dopantes dans le sport traditionnel, ces manipulations, bien que numériques, révèlent une face sombre de cette application.

Le site "Digital EPO", aujourd’hui fermé, permettait aux utilisateurs de modifier leurs traces GPX en toute discrétion. Si pour certains coureurs amateurs, cette pratique répond à un besoin de reconnaissance ou d’ego, pour d’autres, notamment les athlètes de haut niveau, les motivations sont plus stratégiques.

Nous avons rencontré Mehdi*, un athlète ayant utilisé cette méthode dans un but psychologique. Voici son témoignage.

Page d’accueille du site “Digital EPO”, aujourd’hui fermé.

comprendre les dessous de la triche sur Strava

Déjà classé dans le top 20 des championnats de France de cross, Mehdi* est ce qu’on pourrait qualifier d’athlète élite, bien qu’il ne soit pas professionnel. Habitué des podiums sur 10 km et semi-marathon dans sa région, il connaît parfaitement la pression de la compétition et les enjeux mentaux qui l’accompagnent. Sous couvert d’anonymat, il a accepté de nous partager son expérience.

*Le prénom a été modifié afin de préserver son anonymat

“Comment avez-vous découvert qu’il était possible de tricher sur Strava ?

C’était lors d’une discussion avec mon groupe d’entraînement. Quelqu’un a mentionné l’existence de sites permettant de modifier ses données. Sur le moment, ça m’a choqué. Je ne comprenais pas pourquoi quelqu’un ferait ça. Mais en y réfléchissant, j’ai commencé à me demander si certaines performances que je voyais autour de moi n’étaient pas trafiquées.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser de plus près à ces pratiques ?

Je suis curieux de nature. Quand j’ai appris que c’était possible, je voulais comprendre comment ça fonctionnait. Puis, à force de voir des performances étranges sur Strava, je me suis mis à douter de certaines séances publiées par des coureurs que je connais.

Et vous, avez-vous essayé ?

Oui, mais pas tout de suite. J’ai franchi le pas une seule fois, avant les départementaux de cross, il y a longtemps.

Quelles étaient vos motivations ?

À notre niveau, on se connaît tous et la compétition est toujours très serrée. On se croise souvent sur les mêmes courses, et les écarts à l’arrivée se jouent parfois à quelques secondes. Je me suis dit que créer un avantage psychologique pourrait faire la différence.

Que voulez-vous dire par "avantage psychologique" ?

10 jours avant la course, j’ai publié des séances modifiées montrant de grosses performances. L’idée, c’était que mes adversaires se disent : "Mehdi est en super forme en ce moment". Lors de la course, on était trois dans la dernière boucle. J’ai lancé une attaque et personne n’a osé me suivre. Je pense qu’ils étaient convaincus que j’étais intouchable ce jour-là.

Votre stratégie a-t-elle fonctionné ?

Difficile à dire. Je ne peux pas prouver que c’est grâce à Strava, mais leurs réactions à l’arrivée me fait dire que oui. Ils m’ont dit que j’avais été impressionnant, alors que, franchement, mes sensations étaient loin d’être extraordinaires ce jour-la (rire).

Vous avez utilisé cette méthode uniquement cette fois ?

Oui. C’était une sorte d’expérience, je voulais voir si cela pouvait vraiment influencer une course.

Pensez-vous que cette pratique est courante ?

Je ne pense pas que ce soit répandu, mais je suis sûr que d’autres l’ont essayé avant des compétitions. À un certain niveau, on cherche tous des moyens d’avoir un avantage. Si ça passe par un coup de bluff, certains sont prêts à le tenter.

Vous avez des remords ou l’impression d’avoir triché pour gagner ?

C’est compliqué. Oui et non. D’un côté, je me dis que c’était une utilisation stratégique de Strava, pas une modification directe de mes performances physiques. Mais d’un autre côté, je sais que j’ai influencé la perception qu’avaient mes adversaires de moi. Pour moi, ça ressemble plus à une forme de manipulation que de triche.”

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