Spartan Race : quand la force rencontre le courage
Morzine, 5 juillet 2024. En cette douce matinée d’été, sous un soleil qui promet une journée particulièrement radieuse, la station s’anime sous les bruits de roues de centaines de VTT qui foulent déjà les rues en direction des remontées mécaniques. Mais à l’habituel ballet des cyclistes se mêle aujourd’hui un défilé bien particulier. Des coureurs, tout en muscles, bandeaux sur la tête, se dirigent avec détermination sur une ligne de départ dressée derrière une palissade, promesse d’une aventure tout à fait extraordinaire.
L’arche, sous laquelle les coureurs commencent à se rassembler, est noire, imposante et ornée d’un masque spartiate très identifiable dont les yeux vides semblent défier les montagnes qui entourent la station.
À quelques minutes du départ, une voix puissante s’empare du micro et s’exclame : « Spartiates, quel est votre métier ?! ». À cette question de prime abord plutôt étrange, une clameur monte, un grondement qui semble venir du plus profond des entrailles des participants : un titanesque : « Ahou, Ahou », hommage au célèbre film 300.
Le départ est lancé, les athlètes s’élancent sur la Spartan Race.
Spartan Race : à la naissance d’un mythe
Le principe de la Spartan Race est simple. Il s’agit d’une course d’obstacles. Mais attention, on ne parle pas de petits obstacles insignifiants ! On parle de véritables épreuves physiques et mentales. Chaque étape semble difficile, même prise individuellement. L’enchainement entrecoupé de portions de course à pied est simplement dantesque.
Aux origines de cette idée saugrenue se trouve un Américain, Joe De Cena. Il grandit dans le Queens, à New-York, au sein d’un quartier défavorisé. Il compare son quotidien au film Le Parrain, avec « de mauvais gars qui faisaient de mauvaises choses ». Dans cet environnement difficile, il explique que chaque jeune homme cherche à être plus fort, à « en imposer ».
Quelques années plus tard, Joe se retrouve à Wall Street, entouré d’une nouvelle population et de nouveaux excès. Alors que sa mère l’a sensibilisé aux valeurs du yoga, il décide de motiver ses nouvelles fréquentations à faire un peu de sport. Du footing d’abord, puis des petits parcours dans les bois. C’est là, durant ces moments devenus quotidiens, que l’idée germe dans son esprit.
Joe De Sena conçoit alors une course à obstacles où chaque étape doit être par nature athlétique. Il explique qu’il a pensé à la façon dont l’Homme vivrait si le monde était tel qu’il était il y a 2 500ans. Javelot, escalade, portés, balanciers… Chaque obstacle doit rappeler aux participants la nature même de l’Homme et le renvoyer dans son état naturel.
Devant le succès incontestable des premières courses, d’autres vont naitre. Nouveaux formats, nouveaux lieux… La Spartan Race devient en quelques années LA course d’obstacle la plus populaire.
La Spartan Race à la conquête de la France
En 2013, elle débarque en France et conquiert rapidement les cœurs des Français, pourtant peu habitués à ces épreuves. 11 ans plus tard, l’événement s’installe une nouvelle fois à Morzine où sont disputés cette année les Championnats du Monde d’Ultra. 52Km, 4000m de D+ et une soixantaine d’obstacles. Le vainqueur de cette année, Luca Pescollderungg, mettra 6h48’52 pour boucler la course. Chez les femmes, Ulrikke Evensen passera la ligne d’arrivée en 8h32’56.
De véritables exploits au regard de la difficulté des obstacles ! C’est simple, les participants doivent savoir tout faire. Grimper, tirer, pousser, porter courir, sauter, ramper… Rien ne leur est épargné. Bien sûr, ils peuvent contourner certains passages, à condition de réaliser un tour de pénalité ou une série de redoutables burpees. La souffrance est omniprésente tout au long du parcours, conformément à la volonté du fondateur qui explique :
« D’après le stoïcisme dans la Grèce Antique, on n’apprécie pas les bonnes choses si on ne souffre pas un peu. Tout le monde devrait aimer ça. ».
Très populaire Outre-Atlantique et dans l’Europe de l’Est, la Spartan a définitivement séduit la France depuis quelques années. Un engouement en partie dû à la diversité des courses, à la qualité de l’organisation et aux valeurs d’entraide, de courage et de dépassement de soi véhiculées.
Particulièrement nombreux, les bénévoles reconnaissables à leur T-shirt rouge, donnent de la voix, certains pendant une dizaine d’heures, pour soutenir les coureurs qui défilent devant eux.
“Nous devons être présents sur chaque obstacle afin de valider la bonne exécution de l’atelier, appliquer les tours de pénalité, mais aussi montrer aux coureurs qu’on est derrière eux. À certains moments, on sent bien que ça ne tient pas à grand chose et on veut les pousser à continuer tant qu’ils le peuvent.”
Spartan Race : une course, des valeurs
Ce serait en outre une erreur de limiter la Spartan à une « course de gros bras ». La diversité de profils au sein des coureurs est impressionnante. Toutes les corpulences sont présentes et beaucoup déjouent les pronostics en passant avec une facilité déconcertante des obstacles de prime abord peu adaptés à leur morphologie. Loin des idées reçues autour de cette discipline, la réalité sur place démontre bien que chaque personne peut trouver sa place sur la Spartan Race.
Mais ce qui interpelle le spectateur, c’est l’incroyable entraide entre les participants. Hormis les catégories élites, les concurrents ont le droit de s’assister pour franchir les obstacles. Certains décident dès le départ de partir en duo, d’autres comptent sur la solidarité ambiante pour les pousser tant mentalement que physiquement sur certaines portions particulièrement éprouvantes.
Dès la mi-parcours, il n’est pas rare de voir des concurrents inconnus s’encourager, se suivre et s’entraider pour franchir les obstacles, bien loin de toute idée de compétition. Le but affiché par la plupart des participants de l’Ultra est de parvenir au bout. Conscients de l’ampleur de la tâche qui les attend, ils savent qu’ils sont ensemble face à l’adversité. C’est la force cumulée de chaque coureur, chaque coureuse, la sueur laissée sur le parcours, les cris de rage, les pleurs sur la ligne d’arrivée, les accolades chaleureuses au moment de passer la médaille, qui constituent l’ADN de la Spartan.
Il y a un an et demi, Yanis, passionné de rugby, voyait sa vie bouleversée lors d’un match. Une lourde chute sur son genou lui a causé une luxation grave, déchirant tous ses ligaments. Les séquelles sont lourdes : un pied droit paralyséet une cheville rendue instable. Mais là où beaucoup auraient vu un arrêt brutal, Yanis a perçu une opportunité de résilience.