05 août 1984 : Quand les femmes n’avaient pas le droit de courir
Le 05 août 1984, la marathonienne Joan Benoit est la première femme à remporter un marathon Olympique. Avant cette date, les femmes n'étaient pas autorisées à courir cette distance aux Jeux Olympiques. Pourtant, un autre événement va éclipser la victoire de Joan et remettre en cause la légitimité des femmes à courir cette distance mythique...
Les femmes ne sont pas faites pour courir
Dans un passé si lointain et pourtant si proche, les femmes ne pouvaient pas courir plus de 800m dans une épreuve olympique. Les risques pour leur santé étaient trop grands, disait-on.
Pourtant, dès 1966, Roberta Gibb tente l’impossible : courir un marathon. Elle prend alors part au mythique marathon de Boston, sans toutefois y être officiellement inscrite. Elle parvient à boucler la distance et figure d’ailleurs dans le premier tiers du classement final.
Quelques années plus tard, en 1967, Kathrine Zwitzer utilise un subterfuge pour s’inscrire officiellement au Marathon de Boston. Elle n’utilise que ses initiales, ce qui trompe les organisateurs. Elle terminera son marathon malgré la pression des organisateurs qui ont tenté de la sortir de la course.
J'ai tout de suite eu la pensée que si je ne terminais pas la course, tout le monde dirait que les femmes ne sont pas capables de courir un marathon. Il fallait que je termine la course
JO de Los Angeles - 1984 : le premier marathon olympique féminin
Face à la pression médiatique et au courage de certaines femmes, le CIO cède en 1981 et autorise enfin les femmes à courir le marathon olympique. RDV est pris à Los Angeles aux Jeux de 1984.
Le jour J, il fait 32 degrés. La chaleur est écrasante à Los Angeles. 50 femmes se tiennent devant la ligne de départ. Elles sont prêtes. Elles savent que c’est un instant historique.
Le coup de pistolet retentit, la course est lancée. Dès les premiers kilomètres, l'américaine Joan Benoit tente une échappée. Son audace paye. Elle maintient sa principale rivale, la norvégienne Grete Waitz à distance. Elle remporte ainsi la première médaille d’Or Olympique à l’épreuve du marathon, bouclant la distance en 2h 24min et 52s. Le public est en liesse, les applaudissements fusent.
Du côté des médias, Kathrine Zwitzer est au rendez-vous. Elle se joint aux spectateurs pour applaudir la gagnante. Le défi est relevé. Mais toute à sa joie de fêter cette victoire, Kathrine ne remarque pas immédiatement la silhouette qui s’avance maintenant dans le stade. Très vite, son regard se pose sur cette coureuse, l’oeil hagard, la démarche presque zombiesque. Elle porte le dossard 323. C’est la suissesse Gabriela Andersen-Schiess.
Cette athlète de 39ans sait qu’elle court son premier et unique marathon olympique. Elle s’est entrainée pour ça, elle a mérité sa place sur la ligne de départ. Seulement voilà, le 05 aout 1984, il fait extrêmement chaud à Los Angeles. Terrassée par la chaleur et la déshydratation, Gabriela reçoit le coup de grâce quand elle pénètre dans le stade.
“Je me souviens bien du moment où je suis passé par le tunnel Il faisait encore frais et sombre, et puis le coup d'assommoir en entrant dans le stade: la chaleur écrasante, et la clarté de la lumière qui m'éblouissait. Le bruit de la foule aussi, il y avait un tel vacarme. C'était assourdissant.”.
Elle mettra plus de 6 minutes à effectuer le tour de stade final, encadrée par une équipe médicale qui ne peut pas la toucher pour ne pas la disqualifier. À aucun moment, l’athlète ne songe à abandonner. Un pas après l’autre, sous les regards mi-gênés mi-encourageants, elle avance ju squ’à franchir la ligne d’arrivée libératrice, terminant à la 37ème place en 2h 48min et 42 secondes.
L’histoire aurait pu s’arrêter là. Quelques heures plus tard, Gabriela Andersen-Schiess est réhydratée et remarche normalement. Mais Gabriela est une femme, et les femmes ne doivent pas afficher ainsi leur souffrance au yeux du monde.
Pourquoi l’image de la suissesse est devenue le symbole des détracteurs du sport féminin ?
Dès l’arrivée de Gabriela dans le stade, Kathrine Zwitzer est inquiète. Elle pense qu’après ça, les femmes ne seront à nouveau plus autorisées à courir le marathon.
Je savais que si elle s’écroulait, on parlerait encore de la faiblesse des femmes.
Et ses inquiétudes se révèlent fondées. L’image de Gabriela Andersen-Schiess fait le tour du monde. Là où la souffrance affichée par les hommes est synonyme de force, d’abnégation et de courage, celle des femmes doit rester cachée. Elles n’accouchent pas sur la place publique, ne doivent pas parler de leurs douleurs de règles, alors les voir ainsi se donner en spectacle dans un stade d’athlétisme ?!
Ç’en est trop pour certains hommes, qui brandissent l’image de Gabriela pour demander à ce que cette édition des JO demeure la seule durant laquelle les femmes ont pu courir le marathon. Après tout, on voit bien que c’est un échec !
Heureusement, les revendications de ses détracteurs ne trouveront pas suffisamment d’écho pour qu’ils obtiennent gain de cause. Le marathon olympique restera ouvert aux femmes. C’est le soulagement dans le camp féministe. Pourtant, Kathrine Zwitzer sait que le chemin est encore long.
L’avenir donnera raison à son combat puisque les femmes sont aujourd’hui de plus en plus représentées au sein des pelotons de coureuses, et affichent des performances qui dépassent un grand nombres d’hommes
Et c’est ainsi que la date du 05 aout 1984 entra dans l’histoire de l’athlétisme.
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