Patagonia : L'Empire de l'Outdoor qui Veut Sauver la Planète
Patagonia est une des marques outdoor qui connait la plus forte croissance ces dernières années. Avec des valeurs particulièrement ancrées chez son créateur, Yvon Chouinard, l’entreprise refuse la croissance à tout prix et donne une place prépondérante aux questions écologiques dans la conception de ses produits.
Aux origines de patagonia : un entrepreneur malgré lui
Nous sommes à l'automne 1953 en Californie du Sud. Un jeune adolescent de 14 ans du nom de Yvon Chouinard est sur le point de s’inscrire au Club de Fauconnerie de sa ville.Depuis quelques mois, le jeune Yvon s’est découvert une véritable passion pour les Faucons.
Dans ce club, Yvan se sent enfin compris et un jour, un adulte de l’association lui propose de lui enseigner les fondamentaux de l'escalade afin qu’il puisse descendre en rappel jusqu'aux falaises où sont installés les aires des faucons .
Avec quelques amis du club, ils se passionnent pour ce sport à tel point qu’ils décident d’aller escalader les plus beaux spots de leur région. Là-bas, il rencontre d’autres grimpeurs passionnés tels que Royal Robbins ou Tom Frost. Finalement, l’équipe nouvellement formée décide de partir à l’assaut des impressionnantes falaises du Yosemite.
Mais durant son périple, Yvon assiste à une scène surréaliste : une femme, Malinda, ramasse une canette de Dr Pepper jetée sans cérémonie par des jeunes filles depuis leur véhicule. Elle s’approche de la voiture en criant à cette bande d’inconnues qu’elles ont oublié quelque chose. Devant la réponse désinvolte des étudiantes, Malinda arrache à main nue leur plaque d’immatriculation et déclare : “Maintenant, les gardes du parc pourront vous retrouver.” Yvon est subjugué par l’engagement survolté et la volonté de fer de celle qui deviendra sa femme quelques années plus tard.
Pourtant, lors d’une session de grimpe, Yvon Chouinard constate que les pitons d’escalade qu’il utilise sont à usage unique. Pire : ils restent sur les parois après leur passage, transformant le paysage rocheux en “un véritable porc-épic”. Profondément contrarié, il s’achète une vieille forge pour y fabriquer des pitons plus solides et donc, réutilisables. Après des essais concluants, ceux que l’on surnomme les « pitons Chouinard » rencontrent un succès qui dépasse ses simples compagnons de cordée.
Au fur et à mesure, Yvon devient presque sans rendre compte un entrepreneur à succès. . En 1965, il s’associe à son ami et compagnon de cordée Tom Frost pour créer « Chouinard Equipment ». Grâce à leurs innovations, le matériels d’escalade deviennent plus légers, plus résistants et plus fonctionnels.
La devise de Tom et Yvon ? Une phrase d’Antoine de Saint-Exupéry :
« La perfection est atteinte, non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer. »
En quelque temps ils deviennent l’un des leaders sur leur marché. Malheureusement , un événement s'apprête à assombrir le paysages des deux associés jusqu’alors étincelant.
En 1970, Chouinard Equipment est l’un des plus grand fournisseur d’escalade des États-Unis, mais ils s'aperçoivent qu'ils sont devenu par la même occasion un ennemi de l’environnement. Son matériel, bien qu’il ne reste plus sur les parois rocheuses, les abîme indiscutablement. Face à cet inquiétant constat qui accable profondément Yvon, les deux associés prennent une décision radicale : réduire les ventes de pitons, pourtant excellentes.
Ils se tournent rapidement vers une autre alternative : les cales en aluminium. Ces dernières se placent à la main et non plus par des coups de marteau dans les fissures.
Patagonia - à la conquête du textile outdoor
Pour puiser son inspiration, Yvon voyage beaucoup et ne reste jamais longtemps éloigné de la montagne. C’est ainsi qu’à l’hiver 1970, Yvon Chouinard se rend en Écosse et découvre les maillots de rugby utilisés par les équipes locales. Il est fasciné par la qualité et la praticité de leur équipement qui doit être en mesure de résister aux nombreux chocs qu’encaissent les rugbymen pendant un match.
Il s’en inspire pour ses futurs produits. Il propose des textiles synthétiques inspirés du monde du rugby et des pêcheurs de l’Atlantique nord, qui sont isolants et absorbent à la perfection l’humidité. Bien sûr, ses vêtements sont à l’image de sa société : sportswear, orientés vers l’escalade, la pêche, le surf et les sports de montagne tout en étant respectueux de la planète. Il décide d’appeler sa marque par l’une des destinations qui le fait le plus rêver : PATAGONIA, un pays lointain, méconnu et teinté de mystère.
Malgré la réussite commerciale, Yvon ne compte pas s’endormir sur ses lauriers et continue ses recherches pour trouver des matières plus efficientes. Il élabore le Synchilla et remplace le polypropylène par le polyester Capilene, qui évacue l’humidité corporelle vers l’extérieur.
Comme si cela ne suffisait pas, Patagonia se lance dans un autre virage non moins risqué. Alors que la plupart des vêtements de sport outdoor se déclinent dans des coloris classiques : beige, vert, bleu ciel… La marque prend le contre-pied et intègre des couleurs plus vives, outrancières telles que le rouge vif ou encore le turquoise. Place à la fantaisie !
Patagonia au coeur de la récession de 1991
En 1991, l’impensable se produit. Une terrible récession frappe de plein fouet l’économie américaine. Yvon est contraint de se séparer de “Chouinard Equipment” et licencier 20% des effectifs de PATAGONIA. Tous ces événements l’affectent profondément. Il s’interroge alors : sa marque a-t-elle encore un sens ? S’est-il perdu en cours de route dans la course à l’innovation technique ?
Fidèle à lui-même, Yvon souhaite utiliser cette crise pour se réinventer et opérer des changements majeurs. Il réunit ses cadres à l’occasion d’un séminaire en Patagonie. Ils doivent décider de l’avenir de la marque non pas dans une salle de séminaire d’un hôtel de voyage d'affaires mais en marchant dans les plus beaux sentiers du pays.
Une occasion unique d’entreprendre une profonde introspection sur les valeurs de l’entreprise et la direction qu’ils souhaitent lui donner. Faut-il viser la croissance économique à tout prix ? Il y a-t-il d’autres enjeux à prendre en compte ?
Après des journées d’intense réflexion en marchant, tous décident, selon les mots d’Yvon, de :
« Contrôler la croissance, en fonction de nos objectifs et prendre nos décisions comme si l’entreprise devait exister encore dans 100 ans»
L’entreprise prend donc résolument un engagement majeur : celui de l’écologie et du développement durable.
entreprendre pour la planète
Dès lors, la règle de Patagonia devient simple : l’impact écologique doit être la préoccupation première. La règles des 4R est mise en place : Réduire, Réparer, Réutiliser, Recycler. Au fil des années, Patagonia ne cesse de lancer des réflexions et des études concrètes sur l’utilisation des matériaux pour fabriquer les vêtements de la marque. Grâce à cette remise en question permanente, l’entreprise parvient peu à peu à réduire son propre impact environnemental.
En 2002, la marque crée 1% for the Planet pour permettre à d’autres entreprises de suivre cet exemple.
Aujourd’hui, Patagonia est une entreprise de 2000 salariés, 80 boutiques, et réalise un chiffre d’affaires de 750 millions de dollars. Yvon Chouinard reste cependant attaché à ses valeurs initiales et refuse de voir son entreprise cotée en bourse. Pour lui, l’entreprise doit veiller à sans cesse s’améliorer en matière de développement durable et prendre des engagements environnementaux et sociétaux de plus en plus efficaces.
En septembre 2022, Yvon décide de transmettre 100 % du capital de son entreprise et de ses droits de vote à deux structures chargées de « protéger la planète ». Patagonia pourra ainsi devenir le 1er financeur des causes écologiques des États-Unis. Pour lui, La Terre doit devenir le seul actionnaire de PATAGONIA.
A cette occasion, il déclare dans la presse :
“Patagonia ne sera jamais complètement responsable socialement. Elle ne fabriquera jamais un produit totalement durable et non nuisible. Mais elle s’est engagée à essayer.”
Ces mots, lucides et plein d’espoir, résument bien le fil conducteur d’un homme qui, toute sa vie, aura été entrepreneur presque malgré lui.